dimanche 27 décembre 2009

Robert Ducasse : les quatre saisons : HIVER :


La chimère pond un nouvel œuf d’où surgit un démon muni d’un pic à glace qui me perfore le cœur. Je dégueule un flot glacé de souvenirs qui m’emporte à vive allure sous un tunnel où je m’échoue. Je me relève, chausse mes skis de fond, je me dirige vers la sortie. Sous le tunnel, on peut lire ce tag : « le punk n’est pas mort ». Je sors, mais dehors une fumée m’étouffe, les lacrymogènes me piquent les yeux, c’est le présent, l’espoir à tête chercheuse, la prise de risque plus pour le jeu que pour les idéaux, manifs sauvages qui remontent la Seine à contrecourant puis meurent dans des filets avec arêtes à l’entrée de la grande foire anarchosyndicaliste au poisson. Au milieu d’une foule de semblables, je cours comme tout le monde, on m’a pris en photo des dizaines de fois, filmé, État policier, tout le monde court, moi c’est pour tuer le temps, assainir mes bronches et échapper aux souvenirs mauvais ou bons, en tout cas trop envahissants. Hiver, saison de grands contrastes, joie et souffrance, on se remémore et on rêve, on se sent vivre quand on galope la tête vide, on attaque le président avec des seaux de pourriture qu’on lui balance à la gueule. C’est un feu d’artifice à deux à l’heure qui écartèle notre intérieur, on ne fait rien avec fracas, on ne sait pas avec résolution et on pleure quand on s’arrête de faire tout ça. J’ai froid aux oreilles, des convictions politiques primaires et je décide de placer là le point final, et si c’est incomplet c’est à l’image de l’hiver.

Robert Ducasse, pour la fumisterie et la montagne, pour les volcans.

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