mardi 22 décembre 2009

Naples connections


Il y a des situations qui donnent l'impression de « déjà-vu ». La situation de Naples aujourd'hui empêtrée dans les déchets me semble familière. Elle me rappelle l'histoire du cyclone « Catherina » à la Nouvelle-Orléans. Vous vous demandez sans doute pourquoi? Parce que les deux situations me font penser au G8 de Seatle.
Vous allez me dire « tu déraisonnes » eh bien non ! Naples et la Nouvelle-Orléans pour leur évolution possible et Seattle pour la tentative de créer une zone libérée ou TAZ (tempory autonomy zone). Une situation malheureuse, avec une population poussée à bout, par des inconvénients déjà bien réels et qui ne laisse présager rien de bon pour la suite. Un « triangle de la mort », où les cas élevés de cancers, de leucémies, de lymphomes et de perte d'appétit due à la puanteur des ordures, la région qui est parsemée de sites d'enfouissement souvent sauvages et donc non aux normes, l'atmosphère s'envenime à Naples.

Dans sa situation d'empoignade avec leurs institutions, la population de Naples, en étant dans une situation de consensus sur leurs oppositions avec le gouvernement, va-t-elle découvrir ses possibilités et par la même occasion montrer à d'autres que lorsque les habitants se serrent les coudes, il est possible de lutter avec succès contre l'état ?
Et donc en conséquence, la population s'apprête, livrée à elle-même, à découvrir les joies de l'autogestion. Et bientôt peut-être elle s'apercevra qu'elle s'organise mieux toute seule, qu’avec un état corrompu et incapable, qui passe son temps à faire de belles promesses sans jamais les tenir.
Mais tout d'abord un petit rappel sur l'origine de cette crise.
Une situation qui a permis à la population napolitaine de se redécouvrir un esprit de solidarité.
Et pour finir, l'immense espoir que ça donne à tous ceux qui croient à une reprise en main de nos vies, émancipation qui pourrait être musclée face au système, plutôt qu'à un hypothétique « grand soir » qui ne viendra peut-être jamais.

Quelles sont les origines du problème ?
Avec une mafia qui se sert du retraitement des déchets comme une affaire des plus rentables et la complicité de leur gouvernement, voire d'entreprises étrangères trop contentes de se débarrasser de déchets à bas coup, les Napolitains ont fini par craquer.
La ville croule sous les ordures. Les habitants brûlent donc leurs propres déchets, malgré le risque de diffusion de substances toxiques comme la dioxine. Les pompiers essaient d'éteindre les feux, mais la population s'y oppose, même quand ils sont aidés par la police. Et tout cela finit par dégénérer en scènes d'émeutes, avec barricades et appui de l'ensemble de la population s'il vous plait !
Ce qui ne va pas arranger la situation, il y a des déchets enfouis, sûrement mêlés avec de l'uranium appauvri, restes de l'intervention des USA au Kosovo, que les Américains semblent avoir réparti dans plusieurs pays. D'après ce que l'on peut constater, ils ont tendance à préférer la région de Naples qui semble être la plus accueillante.
Cela fait un moment que ça dure, déjà 15000 tonnes d'ordures environ se sont accumulées, dont certaines qui ont été recyclées en barricades. Les écoles ferment pour ne pas faire courir de risques sanitaires aux enfants, qui pour les plus âgés vont rejoindre leurs parents, avec toute la fougue que peut mettre un « ado », pour se rebeller, quand il a en plus le soutien de papa et maman. Tout cela exaspère une population qui a déjà une longue histoire de la clandestinité et l'allergie à tout pouvoir imposé de l'extérieur, pour cela il suffit de se rappeler l'insurrection de Naples pendant la guerre, qui a duré sept jours, face aux occupants nazis.
Une solidarité émerge au grand jour dans une situation puante, avec une population déjà sensibilisée au système D, des pompiers blessés et des flics attaqués lorsque le gouvernement tente d'ouvrir une décharge. Ceci a pour conséquence de mobiliser encore plus de monde contre lui.
Des émeutes éclatent même jusqu'en Sardaigne, pour protester contre le projet d'y envoyer une partie des déchets.

Considérés dans les médias comme une minorité, les insurgés ne sont plus tolérés par l'état qui menace d'utiliser la force pour faire cesser cette rébellion et rétablir son autorité. Les habitants qui poussent au « désordre » pour empêcher la création de décharges, risqueront de lourdes peines de prison (5 ans) et ceux qui empêcheront l'aménagement de décharges risqueront de trois mois à un an de prison ferme!
Mais il semble que la population continue à se serrer les coudes.
Les perspectives que ça ouvre, l'entraide que cette situation fait naître, apprennent aux Napolitains et à toute l'Italie qu'il est possible de défendre sa liberté.
Les habitants s'organisent, il y a des tours de garde. Pris à la gorge, ils apprennent que leur survie n'est pas du côté de la négociation. Ils expérimentent ce qu'ils avaient déjà senti. L'état ment, se fout de la santé de son peuple, quand il fait de l'argent sur son dos avec son auxiliaire, la mafia... Se fout de sa santé quand il s'agit de réprimer l'expression d'un refus.
La sensation de liberté dans une situation difficile où le recul n'est plus possible fait entrevoir à ces habitants sur fond d'hétérotopie, l'image de la clarté à travers le ciel sombre.
Et puis à défendre ses intérêts même quand cette défense va contre la loi. Découvrir que l'on peut faire, qu'on n’est pas seul, comme à la Nouvelle-Orléans. Là-bas les gens, avaient collectivisé les médicaments, les médecins de quartier ne soignant plus que parce qu'il y a des malades. Ils avaient organisé leur propre milice pour défendre le quartier : des pilleurs, police et armée qui voulaient les déloger et détruire leur maison. Chacun aidait l'autre à reconstruire les foyers, les choses se décidaient se réglaient et se règlent toujours en comité de quartier sur un mode de démocratie directe. Les quartiers les plus touchés et qui étaient les plus exposés, étaient les plus pauvres, un fort pourcentage afro-américain descendant d'esclaves et comme eux laissés à leurs sorts.
Les Napolitains apprendront comme à la Nouvelle-Orléans et quand l'espace libéré ne sera plus, , ils garderont et n'oublieront pas cet espace ouvert dans leurs souvenirs et dans leur esprit.
Ils n'oublieront pas non plus ce qu'ils ont pu faire et pour quoi ils l'ont fait, ils n'oublieront pas l'état.

Le gouvernement italien pourra faire garder les sites et les usines liés à la gestion des déchets ; les déclarer zone militaire, avec une autorisation de leur maintien par la force, ils n'oublieront pas pourquoi ils vivent cernés par les décharges.
Comme aux États-Unis, les Napolitains et bien d'autres sont trompés et avilis par leurs gouvernements. Une situation de crise naît, et la population fait ce qu'hier elle n'aurait osé envisager. Elle expérimente ses moyens de survie, et après avoir goûté à l'autonomie, elle entrevoit ce qu'elle pourrait faire, avoir, si l'état ne lui volait pas tout, s'il ne s'opposait pas à sa volonté. Les G8, comme à Seattle, permettent d'expérimenter un espace, même quand il est cerné, d'ordure ou de flics, dans lequel on peut s'organiser d'une façon égalitaire et autonome. Ils permettent d'expérimenter la liberté et jauger sa force, les participants s'écartent des chemins balisés et finissent par ne plus tenir compte des lois comme fin de l'action.Ces espaces sont souvent, jusqu'à maintenant plus ou moins temporaires, mais font naître des idées de liberté, de bonheur, aux hommes qui leur survivent et qui s'en souviennent bien après, les idées sont transmises elles sont immortelles, « Croatan existe ! ».
Ce qui me laisse penser que cela se reproduira de nouveau et de plus en plus. Les peuples prenant conscience de leur force, à chaque génération un peu plus, ayant l'exemple des luttes passées, ils se souviendront de leur force et de leurs erreurs.
Rappelez-vous de Naples, de Paris, rappelez vous de Cuba, d’Oaxaca, rappelez-vous de 1774 et de 1789, de 1871. Et n'oubliez pas, qu'« Une certaine sentimentalité peut, au même titre qu'un certain romantisme, être considérée comme un excellent matériau révolutionnaire. »
En attendant, soyons attentifs aux problèmes de nos camarades napolitains et souhaitons-leur de réussir ce qu'ils entreprendront.
Notre tour viendra, peut-être un jour ?
gat-sa

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