Censier ferme ses portes et personne ne réagit. Et pourtant, souvenons-nous, la larme à l'œil, du fameux discours d'accueil en première année, nous expliquant la raison d'être de cette université, de cette « nouvelle Sorbonne » qui n'est plus qu'un nom commun, parmi d'autres. Alors, sous couvert de raisons plus ou moins convaincantes, nous nous apprêtons à regarder s'éteindre cette université si particulière, à l'allure de CES de quartier, et ses théories avec. Quand Censier ne sera plus qu'un escalier de la vieille Sorbonne, le département démuni de cet empire du savoir parisien à travers les siècles, nous ne serons plus que les enfants d'un roi déchu, les restes d'une ambition scientifique et historique réduite à l'ambition mercantile de quelques-uns. Qu'adviendra-t-il alors de cet espace qui fut le lieu de découverte, d'expression et parfois de luttes ? Peut-être un supermarché géant, un mini centre commercial ou le siège social de tel ou tel trust : « antisocial tu perds ton sang-froid », non pas celui-là !
Nous emprunterons donc ces quelques mots à Perdican, de cette tirade si fameuse en la rendant peut-être plus fumeuse, au risque de passer pour un fumiste :
Adieu Censier ! Retourne à ton couvent, et lorsqu'on te fera de ces récits hideux qui t'ont empoisonnés, réponds ce que je vais te dire : tous les étudiants sont menteurs, inconstants, faux, bavards, hypocrites, orgueilleux et lâches, méprisables et sensuels ; tous les professeurs sont perfides, artificieux, vaniteux, curieux et dépravés ; la rue de Santeuil n'est qu'un égout sans fond où les phoques les plus informes rampent et se tordent sur des montagnes d'amiante ; mais il y a au monde une chose sainte et sublime, c'est l'union de deux de ces êtres si imparfaits et si affreux. On est souvent trompé en pensée, souvent blessé et souvent malheureux ; mais on pense, et quand on est place de la Sorbonne, on se retourne pour regarder en arrière ; et on se dit : « J'ai souffert souvent, je me suis trompé quelquefois, mais j'ai pensé. C'est moi qui ai vécu, et non pas un être factice créé par mon orgueil et mon ennemi. »
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